ACTE 1
ACTE 1 Scène
1 (le
professeur de musique, Félix le serveur)
Lumière.
Une femme est assise sur un tabouret et joue du piano depuis la petite estrade.
On entend de la musique mais le piano n'existe pas.
C’est
"rêve d'amour" de Frantz Liszt.
Les yeux
fermés la femme pianote les mains devant
elle. Très inspirée.
Félix, le
serveur arrive par la double porte, il dépose doucement sa veste sur le portemanteau
ne voulant pas la déranger. Il s’adosse
au comptoir et continue à l’écouter.
La femme
ouvre les yeux. L’air s'interrompt.
Félix – C’était très beau ce que vous jouiez.
Diane (semblant sortir d’un rêve) -
Ce que je jouais ?…..Qui êtes-vous ?
Félix – Le serveur.
Diane - Le serveur ... (Elle semble ne
pas comprendre) Où suis-je ?
Félix – Au Bar des Musiciens Défunts.
Diane - (répétant sans rien
comprendre) Au bar des musiciens...défunts ?
Félix – Oui, tout en majuscules. C’est écrit devant la porte. Vous
êtes morte….Je vous offre un verre ?
Il fait le
tour du comptoir et sort deux verres. La femme se lève et regarde la salle du
bar depuis l’estrade.
Félix – Qu’est-ce que vous voulez boire ?
Diane – (l’esprit ailleurs) Une eau
minérale….mais attendez ! Il y a deux secondes, vous me disiez que c’était
très beau ce que je jouais ! Alors ça signifie quoi ce "vous êtes
morte " ?
Félix – Oui, c’est vrai, c'était très beau. Mais vous avez vu un
piano sur scène ?….Glaçons ?
Diane – (regardant vers la scène)
Mais je ne peux pas être morte puisque je vous parle.
Félix – Moi aussi…je suis mort.
Un
temps. La femme se met à sourire.
Diane
Cessez de vous moquer, cessez de
m’faire marchez
De vie à trépas comment ais-je pu
trépasser ?
Cessez de vous moquer, cessez de
m’faire marchez
Alors que vous êtes là à pouvoir me parler.
Félix
Vous êtes
décédée, là n’est pas la question
Remplissez-vous
au moins les bonnes conditions ?
Le sens de
l’harmonie, connaître les partitions
La musique
est-elle une véritable passion ?
Car pour
entrer au bar des Musiciens Défunts
Vaut mieux être
connu plutôt que crève-la faim
Et vos plus
beaux souliers, votre plus cher parfum
Ne feront
pas de vous un musicien défunt.
Elle
regarde ses souliers, hausse les épaules avant de quitter l’estrade et aller vers le comptoir.
Diane – Excusez-moi, mais je n’ai pas
retenu votre nom ?
Félix – Félix, serveur. Et vous ?
Diane –Moi ?....euh...C'est.... (Cherchant
dans sa mémoire)...Ça c'est la meilleure...
Félix
Vous ne vous souvenez plus ? Classique,
choc violent.
Asseyez-vous un peu. Ça reviendra
sûrement.
Diane
Cessez de vous moquer, vous allez
m’énervez
Cessez de m’faire marchez, je suis
fatiguée
Félix
Vous êtes
décédée, là n’est pas la question
Remplissez-vous
au moins les bonnes conditions ?
Le sens de
l’harmonie, connaître les partitions
La musique
est-elle une véritable passion ?
Diane
Musique classique longtemps j’ai
enseigné
Si ça vous plait ainsi, je vous laisse
divaguer
Félix
Car pour
entrer au bar des Musiciens Défunts
Vaut mieux
être connu plutôt que crève-la faim
Et vos plus
beaux souliers, votre plus cher parfum
Ne feront
pas de vous un musicien défunt.
Diane
Cessez de vous moquer, vous allez
m’énervez
Musique classique longtemps j’ai
enseigné
Cessez de m’faire marchez, je suis
fatiguée
Si ça vous plait ainsi, je vous laisse
divaguer
Félix
Vous êtes
décédée, là n’est pas la question
Remplissez-vous
au moins les bonnes conditions ?
Le sens de
l’harmonie, connaître les partitions
La musique
est-elle une véritable passion ?
Car pour
entrer au bar des Musiciens Défunts
Vaut mieux
être connu plutôt que crève-la faim
Et vos plus
beaux souliers, votre plus cher parfum
Ne feront
pas de vous un musicien défunt.
Diane
Musique classique longtemps j’ai
enseigné
Si ça vous plait ainsi, je vous laisse
divaguer
Félix
Dans les bals populaires, dans les
petits concerts,
Le groupe nous rapportait un petit peu
d’argent
Mais désormais je sers pour les
anniversaires
Pas assez célèbre pour être un des
clients,
Je suis prince du cocktail, le roi du
dernier verre.
Diane
Cessez de vous moquer, vous allez m’énervez
Cessez de m’faire marchez, je suis
fatiguée
Félix
Vous allez, vous verrez, adorer cet
endroit
Où tous genres confondus, les musiques
se côtoient.
Vous allez vous verrez adorer cet
endroit
Quand vous découvrirez qui ce soir est
le roi.
Ça rit et puis ça boit, mais tous
restent courtois
Vous allez vous verrez adorer cet
endroit
Diane– Mmm… (Pas convaincue) Pour l’instant tout ce que je vois
c’est un verre d’eau et une salle vide. De là à adorer...
Félix – Patience, ça va venir…Excusez-moi mais j’ai un cocktail à
préparer…
Diane – Faites donc… Félix.
Elle
s’éloigne du comptoir pendant que le serveur commence à sortir son matériel et
ses alcools pour son cocktail. Elle se rapproche de la petite scène.
Diane (pour elle-même) - Et d’abord comment suis-je arrivée
ici ?
Tout en
essayant de se souvenir, elle finit son verre avant de remonter sur l’estrade.
Diane – (toujours dans ses pensées)
Je me rappelle que je jouais du piano, il y a un tabouret mais…où est passé le
piano ?
Elle regarde autour d’elle, va
derrière le rideau, revient et lève les yeux au plafond, semblant le chercher.
ACTE 1 Scène
2 (Tchaïkovski,
Diane, Félix)
Entre-temps,
un homme entre, la cinquantaine, bien habillé mais style 19ème siècle. Il
dépose son haut de forme et sa veste sur le porte manteau à droite de l'entrée.
Tchaïkovski –Bonjour Félix.
Félix – Bonjour Maestro.
Il
s’avance jusqu’à l’estrade et s’adresse à la femme qui cherche toujours au
dessus d’elle.
Tchaïkovski – Bonjour.
Diane – Bonjour.
Tchaïkovski - Excusez-moi ? Je
peux monter ?
Diane – Bien sûr. Faîtes….
Elle lui
laisse la place et va jusqu’au comptoir, reposant son verre et réfléchissant la
tête entre les mains. L’homme s’asseoit devant un piano imaginaire puis
commence à jouer un petit air jazzy[1]. La femme redresse la tête.
Diane – Je connais ce morceau….c’est « La
panthère rose »
Félix – Oui…ah ça il est plus rose que panthère mais bon…
Diane – (regardant vers l’estrade)
Où est le piano ?
Félix – Il n'y a jamais de piano.
Diane – Mais qui est ce qui joue ?
Félix – Tchaïkovski.
Diane –Tchaïkovski ?
Félix –Lui-même
mais je l’appelle souvent Maestro… (Voyant
que Diane ne comprend pas) Sur
scène, enfin ! Là ! Piotr Ilych Tchaïkovski.
La
femme écarquille les yeux reconnaissant le célèbre compositeur puis s’évanouit.
Tchaïkovski s’arrête de jouer.
Tchaïkovski – Que se passe-t-il ?
Félix – L’émotion sans doute !
Tchaïkovski – Je jouais de manière si
renversante ? (quittant l’estrade) Allons ! Laissez-moi
faire ! Avec ce diablotin de Mancini, je me sens d’humeur magicienne !
Il sort sa baguette de chef d’orchestre de l’intérieur de sa veste. On entend Baby Elephant Walk d’Henry Mancini.
Il agite sa baguette au dessus de
Diane. Celle-ci, toujours les yeux fermés, se relève ressemblant à une
somnambule.
Félix – Waouh ! Super ! Asseyez-la sur cette chaise
maintenant !
Félix a tiré une chaise de la table
N°3. S’ensuit un jeu de scène où Tchaïkovski tentera maladroitement de déplacer
Diane jusqu’à la chaise. Celle-ci toujours dans un état second se déplace
complètement à jardin poursuivi par Félix et sa chaise.
Elle monte jusqu’à l’estrade au lieu
de s’asseoir.
Félix – Maestro ! A quoi vous jouez ?
Tchaïkovski – Elle est difficile à diriger cette
petite. Je manque sans doute d’expérience. Montez la chaise sur l’estrade, je
crois que je la tiens là.
Félix monte avec la chaise mais Diane
redescend aussitôt vers le fond de scène table 1.
Félix – Je croyais que vous la teniez !
Tchaïkovski – Moi aussi. Allez-y !
Allez-y !
Félix
redescend et s’approche doucement. Diane s’échappe jusque devant la scène au
nez et la barbe d’un Félix visiblement agacé.
Félix – Ca n’aurait pas été plus simple de la porter ?
Tchaïkovski – Elle m’échappe ! Elle va
retomber !
Félix pousse sa chaise du pied. Diane
fait un tour sur elle-même avant de retomber sur la chaise[2].
Félix – Ouf ! C’était moins une !
Tchaïkovski – (Rangeant sa baguette) Je crois que je ne suis pas fait pour la
magie.
Félix – Regardez Maestro, elle revient déjà à elle. Allez !
Ouvrez les yeux…cessez de jouer à « la belle au bois dormant »[3].
Tchaïkovski s’est avancé.
Tchaïkovski – Félix, arrêtez vos allusions et
apportez une petite vodka. (Le serveur s’exécute, retournant au comptoir
tandis que la femme rouvre les yeux) Alors, ça va mieux ? (La femme
le regarde, effarée.) Je vois. Vous, vous êtes morte depuis peu et vous
commencez à peine à vous en rendre compte.
La
femme approche doucement sa main et le touche du bout du doigt.
Tchaïkovski – (souriant) Oui.
Je suis bien devant vous.
Félix – (apportant le verre de vodka)
Seuls les morts peuvent se toucher entre eux.
Elle
se lève subitement de sa chaise, recule, tourne de l’œil et s’effondre sur le
sol.
Tchaïkovski – (se grattant la tête) Je
crois qu’elle ne supporte pas la mort.
Félix – Sans blague ?
Tchaïkovski – Qui est-ce ?
Félix – Je ne
sais pas. Elle m’a dit qu’elle était professeur de musique.
Félix,
après un instant d’hésitation, boit une rasade du verre destiné à la femme.
Tchaïkovski – (Intrigué) Tiens ? C’est étrange qu'elle
soit arrivée ici. Est-ce qu'elle composait aussi ?
Félix – Je ne sais pas non plus. Vous pourrez
toujours lui demander à son réveil. Si elle tient debout...
Tchaïkovski – Ma notoriété post-mortem
a l’air de lui poser problème. Je repasserais ce soir.
Félix – Mais j’espère bien que vous repasserez
ce soir ! Le bar est tout à votre honneur pour votre semaine
d’anniversaire !
Tchaïkovski – (d'un air las)
Oui je le sais. Une semaine entière d’anniversaire. Toutes ces festivités
m’ennuient….
Félix – Il n’y aura que des amis. Mr Glinka.
Mr Grieg. Et Mme Callas a promis de passer. Elle ne vous laisse pas indifférent
la Callas !
Tchaïkovski – Elle est gentille mais
je ne supporte pas lorsqu'elle chante... Et puis vous savez les femmes…par
contre, (désignant l’enseignante au sol)
j’aimerais que celle-ci soit là ce soir.
Félix – La dormeuse ? Nous la connaissons
à peine.
Tchaïkovski – Nous pourrons faire
connaissance. Je la trouve…sympathique
Tchaïkovski remet sa veste et son haut de forme.
Félix – Bon, à
ce soir alors !
Tchaïkovski – A ce soir…Ah,
Félix ?
Félix – Oui ?
Tchaïkovski – (avec un regard
coquin) Vous êtes très élégant ce matin.
Félix – (avec un sourire entendu)
Maestro, vous me faites le compliment chaque fois que vous passez et vous savez
très bien que contrairement à vous, les femmes ne me sont pas indifférentes.
Tchaïkovski – Hélas !….Prenez
soin de la petite nouvelle !
Il
sort. Félix sourie en secouant la tête puis regarde la femme toujours au sol.
Il finit le verre de vodka avant de le poser sur le comptoir.
Félix – Allez au boulot !
Il
tente de la soulever jusqu’à une chaise mais trébuche. Il se redresse,
réfléchit.
Félix – C’est que je
n’ai pas de baguette magique moi…Une bonne claque, peut-être ? (Il hésite, levant la main) Un baiser ?... (Il hésite encore) Et si elle a mangé un
truc qui pue avant de mourir ? Oh ! Et puis merde… elle va bien se
remettre toute seule !
Il
retourne derrière le comptoir et continue à préparer son cocktail. Il commence
à chantonner l’air de « la charge des Walkyries » de Wagner en même
temps que la musique se fait entendre.
ACTE 1 Scène
3 (Sonia, Diane,
Félix)
Sonia, entre sur scène habillée en Walkyrie, sur
l’air de Wagner. Elle s’arrête au centre de la scène et prend plusieurs poses
guerrières avec une épée en bois puis attend la réaction de Félix. La musique
s'arrête progressivement.
Sonia
Meurs
infâme ou bien déguerpis,
Dans
mes deux mains, glaive ne frémit,
Des
plus vaillants il a occis
Ais-je
une tête de Lady ?
(Se tournant vers Félix)
Dans
un vieux bazar à fourbi,
Ce
costume de walkyrie
J’ai
échangé contre un tapis
Mais
pour Wagner, il vaut son prix
Félix
Aurais-tu perdu un pari,
Pour risquer un coup de fusil ?
Cette parodie de valkyrie
Ça va déplaire à Tchaïkovski
Sonia
(N’ayant pas entendu)
L’anniversaire
de Wagner
N’est
pas pris à la légère.
Je
vais charger, croiser le fer,
Traverser
toutes les frontières,
Mes
ennemis prendre à revers,
Les
mettre tous genoux à terre !
Félix a sorti un cahier de sous le comptoir.
Félix
(Lui montrant son agenda)
Aurais-tu perdu la raison ?
Tu te trompes de partition
Arrête tes divagations
Ici, c’est une autre chanson
Sonia
(Réalisant)
L’anniversaire
de Tchaïkovski
Etait
prévu pour aujourd’hui ?
Eventrée
sur le tatami,
Et
bien loin de sa Germanie,
Pour
s’être trompé de Lundi,
La valkyrie
est au tapis.
Félix
On ne peut changer la soirée
Les festivités sont lancées
D’ailleurs celle-ci est invitée
Elle a fraîchement débarquée
Je ne sais d’où elle est tombée.
Si tu pouvais la réveiller.
Il
lui montre l’enseignante sur le sol qu’elle n’avait pas vu lors de son délire
de Walkyrie.
Sonia-
Qui est-ce ?
Félix – Je ne sais pas, elle semble amnésique.
[1] The Pink Panther d’Henry
Mancini morceau de 2 minutes 44
[2] Cela permet à la
comédienne en ouvrant un peu les yeux de visualiser l’emplacement de la chaise
avant de s’asseoir.
[3] Ballet de
Tchaïkovski